Virus, vaccin et pass sanitaire : enterrons la hâche de guerre

Les temps sont durs pour la bonne entente en société, pour avoir des débats sereins en famille ou entre amis, pour écouter la radio ou regarder la télé sans penser une fois que cet animateur ou cet invité “est vraiment trop c** !“.

On culpabilise, on insulte, on prend de haut, comme si tout était évident et que le camp d’en face n’avait rien, mais alors vraiment rien compris. Pourtant, comme pour tout, les choses ne sont pas aussi simples. Le monde est complexe, et cette pandémie l’est aussi, depuis son début.

Un exemple : on impose la vaccination en France et on rend les tests payants, alors qu’aux Pays-Bas la vaccination n’est pour l’instant pas obligatoire - aucun vaccin, même tétanos pour les bébés, n’est obligatoire là-bas - et les tests, payants jusqu’à il y a un mois, sont devenus gratuits. Deux pays de gouvernement à réputation plutôt raisonnable prennent deux décisions opposées : qui a raison, qui a tort ?

Ou putôt, qui est sûr que l’autre à tort ?

On s’est bien tapé dessus, tous, depuis février 2020, et je ne suis pas le dernier à monter sur le ring. Mais d’un tel ring je ne veux plus. Un ring, c’est un contre un, alors qu’en réalité, il y a des dizaines d’avis possibles, qui peuvent se combiner entre eux pour former des dizaines de points de vues possibles.

Vaccination

Par exemple, concernant la vaccination, on retrouve : ceux qui invoquent la surmédicalisation de notre monde moderne, ceux qui ont foi en la Nature, ceux qui invoquent la liberté de ne pas se faire vacciner, ceux qui pensent qu’il y a une affaire de gros sous, ceux qui doutent de la science, ceux qui estiment ne pas en avoir besoin, ceux qui estiment en avoir besoin, ceux qui le font pour être libre, ceux qui invoquent la responsabilité envers la société, ceux qui ont peur, ceux qui ne se posent pas de question, ceux qui pensent que la terre est plate, et qui d’autre encore ?

Covid-19

Concernant la COVID c’est tout aussi vaste : ceux qui pensent que ce n’est qu’une gripette on s’en fout, ceux qui pensent qu’on se fait gouverner par les médecins qui veulent évidemment sauver tout le monde, ceux qui pensent que si les jeunes votaient autant que les vieux d’autres décisions auraient été prises, ceux qui connaissent plus de suicides dépressifs à cause du confinement que de morts directs du COVID, ceux qui pensent qu’on en fait tout un plat de 0.05% de morts alors que la grippe espagnole c’est 5%, ceux qui pensent qu’arrêter la société entière pour protéger une partie infime de la population c’est trop, ceux qui pensent qu’il faut protéger et confiner si besoin ceux qui sont suceptibles de développer une forme grave de la COVID et laisser les autres tranquilles, ceux qui pensent qu’enfermer les jeunes pour sauver les vieux ça en dit long sur notre rapport perturbé à la vie et à la mort, ceux qui pensent qu’il faut tous se confiner pour ne pas se contaminer tous les uns les autres, ceux qui pensent qu’il faut se confiner pour sauver les hôpitaux et soulager les soignants, ceux qui pensent que la COVID peut être une maladie grave pour tout le monde et qu’il ne faut pas le prendre à la légère, ceux qui ont 15 ans et qui ont peur de la COVID, ceux qui ont 50 ans et qui ont peur pour leur enfant de 15 ans, ceux qui pensent que c’est bien normal de protéger nos plus faibles quel qu’en soit le prix parce que la santé avant tout, ceux qui disent tous aux abris sinon on va tous mourir, etc.

Pass sanitaire

Sur France Inter un matin : « les antivax se sont encore mobilisés ce week-end contre le pass sanitaire ». Encore un bel exemple de décryptage de la complexité de notre monde par un média sérieux et populaire.

Puis l’interview suivant : « Que faut-il retenir des pancartes antisémites dans les manifestations anti pass sanitaire ? ». Serein, tout ça. Bon, les anti-sémites existent et existeront toujours même à nombre réduit, mais dans aucun mouvement actuel ils n’ont représenté ou signifié une importance quelconque - gilets jaunes, anti-pass sanitaire, retraites, etc. C’est juste de les citer, pour ne pas oublier qu’ils existent, c’est injuste de réduire ces causes à ça.

Parce qu’à propos du pass sanitaire, on peut faire le même exercice en retrouvant : ceux qui veulent forcer la vaccination pour en finir avec cette crise, ceux qui sont choqués par ceux qui ne veulent pas du vaccin et veulent donc les contraindre, ceux qui s’en foutent parce qu’ils sont vaccinés, ceux qui s’en foutent parce que, ceux qui ne se posent pas de question, ceux qui ne sont pas d’accord mais qui ne se battront pas contre, ceux qui pensent qu’il faut inciter et convaincre mais ne pas forcer la vaccination, ceux qui ne veulent pas de vaccination et donc pas de pass sanitaire, ceux qui sont vaccinés mais qui veulent que ça reste un libre choix, ceux qui sont contre les restrictions de liberté par principe, ceux qui sont anti-sémites effectivement et qui disent qu’il y a rapport, ceux qui sont racistes et qui disent que de toutes façons c’est à cause des chinois, ceux qui pensent que le soleil tourne autour de la terre et qui sont donc anti-pass…

Vivent les avis contraires, vive le complotisme

Lorsque le premier confinement a démarré et qu’il a fallu se poser la question d’où sortait ce virus, plusieurs pistes ont émergées, dont une qui s’est fait taxer de complotisme : la fuite d’un laboratoire. Alors même qu’on pouvait ne pas parler de complot, mais juste d’un pauvre accident de labo !

Un an et demi plus tard, penser cette thèse n’est plus tabou, parce que plausible et possible.

Peu importe que les complotistes et les extrémistes disent la vérité ou non, il n’empêche que sans certains complotistes qui ont, pour certain, payé de leur vie, on penserait toujours que la terre serait plate, que le soleil tournerait autour d’elle, etc.

Olympe de Gouge en 1789 prenait des bains tous les jours contrairement à ses contemporains, elle se faisait insulter d’hygiéniste. Jusqu’au milieu du XIXème siècle on préférait accoucher dans la rue plutôt qu’à l’hôpital parce que là-bas les médecins ne se lavaient pas les mains : celui qui un jour prouva qu’il valait mieux se les laver se fit rejeter par la communauté scientifique, entre autres parce que ses congénaires ne pouvaient avouer être responsables de tant de morts. Cet homme s’appelle Semmelweis et a donné son nom à l’effet Semmelweis, décrivant la tendance naturelle à rejeter de nouvelles preuves ou de nouvelles connaissances parce qu’elles vont à l’encontre des normes ou des croyances précédemment établis. Effet dont nous sommes tous victimes, complotistes ou pas : c’est dur de penser que ce qu’on pense ne vaut rien et que la vérité est ailleurs.

Les complotistes et extrémistes, les meilleurs comme les pires, sont ceux qui tirent la société dans un sens comme dans l’autre, dans le bon comme le mauvais. Ce sont ceux qui pensent hors du cadre, hors de ce qui est autorisé de penser. Si ces gens, les plus intelligents comme les plus idiots, n’existaient pas, on en serait peut-être encore à l’âge de pierre. Il est temps je pense, dans ce XXIème siècle bien avancé déjà, qu’on accepte de discuter et de débattre ensemble malgré nos différences, aussi grandes fussent-elles. Il est temps aussi je pense, pour tout le monde, complotistes comme moutons, d’apprendre à changer d’avis, d’apprendre à se remettre en question, d’admettre qu’on peut avoir tort.

Sauf moi.

😘