Javolution

Un peu de Finance, par un nul, pour les nuls

July 2, 2020 • ☕️☕️☕️☕️ 19 minutes de lecture

Hollande:

Comment trancher entre le “Mon adversaire c’est la finance” de François Hollande dans discours au Bourget en 2012 et “c’est la finance qui va nous sauver” d’Apathie ? La Finance est un monde bien vaste, mais comme l’informatique, surtout si cela aucune une place essentielle dans notre société actuelle, ce n’est pas parce que c’est vaste qu’on ne peut pas essayer de défricher pour comprendre quelques mécanismes.

Voici ceux que j’ai appris au travers de lectures et documentaires, qui m’aident aujourd’hui à y voir plus clair et à comprendre ce que j’approuve et ce que je rejette.

La Finance qui finance

Pour commencer, il y a donc la finance qui finance l’économie, qui prête et qui investit dans les entreprises. C’est la partie la plus simple à comprendre et à visualiser.

Pour faire tourner une entreprise rentable, on a besoin d’argent - pour acheter du matériel, payer des gens, etc. Celui-ci vient soit de vos économies, soit d’un tiers qui a cet argent : un acteur financier - quelqu’un de riche, ou une entreprise spécialisée comme une banque ou un fond d’investissements, que sais-je. En échange de l’argent investi, l’investisseur possède une part de l’entreprise : il en devient actionnaire, une action étant une part de l’entreprise. Une action fait valoir à celui qui la détient un droit aux dividendes si l’entreprise fait des bénéfices, et si celle-ci décide qu’une partie de ces bénéfices peut être distribuée à l’actionnaire. L’autre partie peut être alors - c’est le plus souvent le cas me semble-t-il - réinjectée en investissement dans l’entreprise, en rachat d’une autre entreprise, en bonus pour les salariés, etc. Quoiqu’il en soit, ce sont les actionnaires, propriétaires de l’entreprise, qui décident de la répartition des bénéfices.

Cette finance est globalement à ranger du côté de la finance qui est notre amie, bien évidemment. On peut toujours débattre des marges que se font les entreprises responsables de la distribution de cet argent, mais sur le fond, l’utilité de cette activité n’est pas débattue, c’est le concept même du capitalisme.

Sauf si on creuse un peu plus…

La Finance des startups

Un investisseur peut être rémunéré de plusieurs façons différentes, dont deux particulièrement :

  • soit il touche des dividendes issus des bénéfices que fait l’entreprise grâce à son investissement
  • soit il revend ses parts à quelqu’un d’autre, plus cher que ce qu’il avait investi.

À l’âge des startups, il faut s’attarder un peu sur ce dernier aspect : les acteurs spécialistes des investissements à haut risque dans les startups s’appellent des Ventures Capitalists en anglais, des spécialistes du Capital Risque en français. En gros, ceux-ci ont des fonds constitués d’épargne (de vous, de moi, de Bill Gates) pendant une durée prédéfinie de quelques années, destinés à être investis dans plusieurs startups, et représentant parfois des montants considérables de plusieurs dizaines de millions d’euros. Le but est qu’une d’entre elle soit revendue beaucoup plus cher. Dans ce monde étrange et risqué, l’objectif n’est jamais d’investir sur une longue durée pour récolter des dividendes : l’unique objectif est “l’exit”, la revente, le plus tôt et le plus cher possible. De sorte que parfois, quelques entreprises bénéficient d’investissements extraordinaires (Uber, Wework…) sans être rentables. L’investissement devient alors comme une patate chaude qu’on se presse de revendre plus chère, jusqu’à ce qu’un dernier investisseur ne puisse plus revendre à personne et voit son investissement se réduire à néant. Ce type d’investissement peut donc logiquement créer des bulles financières susceptibles d’éclater, comme ce fut déjà le cas au début des années 2000.

C’est un des mauvais côté de l’investissement, mais il n’est pas tout. La beauté du capitalisme, c’est aussi que l’investissement est ouvert à tous, quelle que soit la somme à investir, de quelques dizaines d’euros à plusieurs millions.

La Finance de la Bourse

On a vu que lorsqu’on investit dans une entreprise, on détient des actions, autrement dit on détient une part de l’entreprise. Lorsqu’on veut se séparer de ces actions, il faut leur trouver un acheteur.

Si l’entreprise n’est pas côtée en Bourse, il faut trouver d’une manière ou une autre quelqu’un pour acheter, puis négocier avec lui le prix des actions qu’on possède. En effet, même si les actions peuvent avoir une estimation régulière tout au long des mois et années, le prix qu’elles valent réellement n’existe que lorsque quelqu’un les rachète. De plus, généralement, ces actions ne sont pas en vente tous les jours, mais de temps à autres, tout dépend de la taille de l’entreprise : plus elle est petite, plus le nombre d’actionnaires est restreint, et moins ces derniers varient rapidement. Inversement, plus elle est grosse, et plus il y a de chances qu’il y ait beaucoup d’actionnaires différents, donc plus il y a de chances que parmi eux, certains veuillent revendre des actions plus souvent.

La Bourse est justement là pour fluidifier le système : plus il y a d’offre et de demande en actions d’une entreprise, plus il devient compliqué de gérer ça à l’ancienne, autour d’une table. C’est donc une entreprise spécialisée qui s’en charge, comme Euronext par exemple : elle étudie le nombre de vendeurs et le nombre d’acheteurs, ainsi que la valeur que chacun est prêt à donner à l’action, puis elle fixe le prix de l’action. Une fois le prix fixé, les vendeurs vendent et les acheteurs achètent à ce prix. Plus une entreprise est désirée par des boursicoteurs, plus son cours sera défini souvent dans la journée. Les plus petites entreprises en bourse voient donc le cours de leur action définit une à deux fois par jour, alors que les plus grosses ont un cours défini de manière quasi continue.

Voilà en gros (et en simplifiant) le fonctionnement et l’utilité de la Bourse : fluidifier les échanges d’actions entre acheteurs et vendeurs. De là s’est posée une question existentielle pour moi : en quoi le cours d’une action en Bourse est important pour une entreprise ? est-ce que la Bourse ne sert finalement qu’à des gens qui ne savent plus quoi faire de leur argent, et qui jouent au casino boursier en pariant sur telle ou telle action ? Et si oui, est-ce que l’existence de la Bourse est bonne pour l’économie ?

En fait, lorsque je réfléchissais à la question, j’oubliais une chose : les actions d’une entreprise ne sortent pas de nulle part. Elles représentent un titre de propriété de l’entreprise. Une action doit son existence, sa création, au bon vouloir d’un investisseur qui a bien voulu donner de l’argent à l’entreprise en échange d’une partie, d’une action de l’entreprise. Cet argent représente d’ailleurs le cours de l’action au moment de la transaction, et est utile : il permet de répondre à un besoin de l’entreprise, un besoin d’argent pour investir dans des machines, des salariés, etc. Ensuite, l’investisseur propriétaire des actions peut très bien vouloir à un moment donné se désolidariser de l’entreprise, quelle que soit sa raison. C’est normal, c’est humain, et il n’y a aucun reproche à faire. De même, cet acheteur a aussi le droit de vouloir revendre, à un autre acheteur qui aura aussi le droit de vouloir revendre, etc. : la Bourse est donc utile pour ça.

Si on prend le mécanisme dans son ensemble, on peut d’ailleurs séparer l’investisseur du boursicoteur : le premier donne de l’argent à l’entreprise qui s’en sert, le second ne donne rien à l’entreprise, mais se “contente”, sans jugement péjoratif, d’acquérir des parts afin de les revendre ou de toucher des dividendes. L’acheteur n’est donc pas un simple parieur de casino, mais est une pièce indispensable de la vie d’une entreprise. Ainsi, théoriquement, puisqu’elle a déjà touché l’investissement qu’elle souhaitait via la création d’actions, l’entreprise pourrait n’avoir que faire du cours auquel se vendent et se rachètent ses actions. Théoriquement donc, une entreprise peut fonctionner quel que soit le cours de son action, qui n’est plus son problème mais seulement celui des boursicoteurs. Sauf…

Sauf si l’entreprise souhaite émettre une nouvelle fois des actions : dans ce cas, plus le cours est haut, plus l’investissement qu’elle touchera sera important, et moins elle aura à créer de nouvelles actions, moins elle aura à partager sa propriété avec d’autres, et donc moins elle aura a partager ses bénéfices avec d’autres.

Sauf aussi si les personnes qui font vivre l’entreprise de l’intérieur ont aussi des actions, et donc un intérêt à ce que le cours de l’action soit élevé : c’est souvent le cas de tous les salariés des grosses entreprises, à moindre mesure, et surtout des hauts dirigeants des grosses entreprises dont une part majoritaire de leur rémunération annuelle peut provenir de dividendes. Dans ce cas, le patron aura tout intérêt à verser des dividendes importants chaque année, versement qui peut rentrer en conflit avec l’intérêt propre de l’entreprise. Gros débat en perspective…

Résumons : sur le principe original, aucun problème avec la Bourse. On crée des actions en Bourse pour financer publiquement son entreprise, ces actions donnent le droit à des dividendes lorsqu’il y en a de distribués, et si on ne veut plus de ces actions on les revend au prix du marché. Tout va bien, même si cela pose potentiellement un problème lorsque ceux qui travaillent pour l’entreprise sont trop intéressés par les dividendes.

Cela pose aussi un problème lorsqu’on combine tous ces mécanismes avec l’irruption il y a quelques années d’une méthode de boursicotage particulière : le trading à Haute Fréquence…

La Finance du Trading à Haute Fréquence

Ou en anglais High Frequency Trading. C’est une discipline qui joue dans beaucoup de domaines, dont la Bourse. Le principe est simple : au lieu que les actions soient achetées et vendues par des personnes physiques, elles le sont par des robots, des ordinateurs, qui font leurs échanges selon des critères prédéfinis, écrits par des ingénieurs-développeurs-mathématiciens-informaticiens - les fameux algorithmes. Par exemple, j’achète les actions d’une entreprise si son chiffre d’affaire dépasse 20 milliards, ou je revends si quelqu’un veut bien m’acheter mes actions pour 100 dollars, que sais-je encore…

Ces ordinateurs sont capables de faire un paquet d’opérations en quelques millisecondes, ce que ne sont pas capables de faire des êtres humains. Ainsi, un robot peut acheter et revendre une action dans la même seconde, voire dans la même milliseconde, se faisant en si peu de temps une marge de quelques centimes peut-être. Ce mécanisme multiplié par un grand nombre d’actions, ou répété un grand nombre de fois par secondes, ça peut amener à de très très gros montants.

On peut légitimement se demander quel est vraiment l’intérêt pour l’économie que des actions s’échangent aussi rapidement. De mon point de vue, je trouve que ce sont des opérations déconnectées de la réalité, néfastes, et qu’on pourrait interdire facilement en imposant une durée minimum de détention d’une action.

Le Trading à Haute Fréquence sur le marché des actions n’est qu’une partie seulement du champ d’intervention des robots et algorithmes, il peut intervenir sur beaucoup d’autres domaines de la Finance que voici.

La Finance des Titres Financiers

Chapitre très court parce que c’est un domaine trop vaste et très technique. Dans le monde financier, il n’y a pas que les actions, il y a aussi les obligations, les options, les créances, les produits miniers, le pétrole, le blé… tout un tas de choses qu’on peut appeler si je ne m’abuse “Titre Financier”, quelque chose qui s’échange entre acteurs du monde financier. Chacun a son utilité ou son inutilité, tout n’est bien sûr pas à jeter. Mais parmi eux, certains appartiennent à la famille des Produits Dérivés, et méritent un détour…

La Finance des Produits Dérivés

Un produit dérivé est un produit, comme son nom l’indique, qui dérive d’un autre produit. Par exemple, l’assurance est un produit dérivé : je m’assure contre l’incendie de ma maison, l’argent que je verse à mon assureur est un produit dérivé de ma maison. Si ma maison ne brûle pas, l’assureur garde l’argent que je lui donne, si elle brûle, l’assureur me donne de l’argent qu’on a convenu à l’avance. L’assurance de ma maison est un produit dérivé de ce qu’on appelle techniquement le sous-jacent, ma maison.

Un jargon amusant des produits dérivés : lorsqu’un produit dérivé est simple, comme l’incendie de la maison, on l’appelle “Produit Dérivé Vanille”. Lorsqu’il est compliqué, comme par exemple l’assurance du logarithme de l’incendie de la poutre faitière de la maison du voisin dont la tante habite à Villedieu-les-Poêles, on l’appelle “Produit Dérivé Exotique”. Il existe des produits dérivés exotiques tellement compliqués, élaborés avec des formules mathématiques complexes, que seuls leurs auteurs les comprennent.

Le monde des produits dérivés est un monde merveilleux, peuplé de choses utiles et d’autres complètement inutiles. Dans une certaine mesure, le concept d’assurance est utile par exemple. Le concept de pari est beaucoup moins utile : on rentre dans la Finance Casino.

La Finance Casino

On entend parfois cette expression à propos de la finance, et on pourrait penser qu’elle est exagérée : dans mon esprit, avant de m’intéresser au sujet, j’imaginais un milliardaire tellement riche qu’il prenait la bourse pour un jeu, et qu’il s’amusait à acheter ou vendre des actions sans jouer sa vie pour autant. J’assimilais donc la Finance Casino à un jeu de boursicoteurs très riches. En fait, ce n’est pas du tout ça !

Déjà, je me trompais dans la définition d’un pari comme on l’entend au casino. Si on joue rouge à la roulette, on ne fait rien d’autre que parier sur le rouge. On investit dans rien, notre argent ne sert à rien d’autre qu’à remplir une cagnotte que j’empoche en double si la boule tombe sur une case rouge. La Bourse, comme on l’a vu, n’est pas une histoire de pari : lorsqu’on achète une action, bien sûr on espère que son cours monte, mais on ne parie pas à proprement parler puisqu’on détient une part d’une entreprise.

Or, dans la gigantesque famille des produits dérivés, certains sont de simples paris, aussi bêtes que parier rouge à la roulette du casino. Aussi bêtes que “je parie 2 euros que l’action Météo France va baisser dans 3 jours”. Oui, dans la vie, on a le droit de faire ce genre de pari, même lorsqu’on est une banque qui agit sur les marchés financiers officiels, régulés par une autorité publique et des lois. Une entreprise financière peut émettre des titres de produits dérivés qui ne sont que des paris. Un des plus célèbres est le pari qu’a fait Goldman Sachs lors de la crise de 2008 : elle a vendu des produits financiers à des clients, et elle a parié sur la chute de ces produits financiers. Elle a gagné…

Voici un exemple concret de produits dérivés pour bien comprendre. Je me trompe peut-être sur les détails, mais dans le principe il me semble que c’est bon.

Je suis un producteur de pétrole, et je vends mes barils au prix du marché. C’est très difficile pour moi d’anticiper combien va me rapporter ma production, parce que le prix du pétrole fluctue énormément. Je vais donc souscrire à un produit dérivé, appelé contrat à terme : je demande à un acteur financier s’il veut bien me financer la vente de mon pétrole pour 50 euros le baril dans 6 mois, à raison de 1000 barils. Cet acteur veut bien prendre le risque, parce qu’il pense que le prix du baril dans 6 mois sera de 60 euros, donc il compte se faire une marge de 10 euros. Ce produit échangé entre les deux acteurs est un produit dérivé, dérivé du pétrole en l’occurence (qu’on appelle techniquement le sous-jacent). Lorsque je revendrai mon pétrole, quel que soit le prix à ce moment, je toucherai 50 euros par baril, et la banque gère le reste : soit une perte si le cours est en dessous, soit un gain s’il est au dessus.

Un autre exemple de produit dérivé : une banque détient beaucoup d’emprunts immobiliers de ses clients. Elle les regroupe en plusieurs groupes, et elle divise chaque groupe en plusieurs parts, qu’on appelle “titres”, qu’elle met en vente sur les marchés financiers : c’est la “titrisation”. De sorte que si j’achète un titre, j’ai une part d’un groupement de plusieurs emprunts immobiliers. Si tous les emprunteurs remboursent, je prends une part du bénéfice réalisé par la banque via le taux d’intérêt sur l’emprunt réalisé. S’ils ne remboursent pas, je perds tout. La banque, elle, ne gagne pas son bénéfice certes, mais ne perd pas non plus la somme qu’elle avait prêtée. Ainsi, elle limite son risque.

Pour l’instant, on est dans la “titrisation”: on est pas encore dans les produits dérivés me semble-t-il puisque le produit est un emprunt immobilier. Mais on y arrive…

Ces titres sont bien réputés, une agence de notation pense que les emprunteurs dans leur ensemble vont bien rembourser ce qu’ils doivent à la banque, elle leur donne la note AAA. De sorte que mon voisin, qui fait confiance à cette agence de notation, achète les titres parce que le risque est faible de perdre tout son argent. Mais moi, j’ai bien regardé dans le détail, et j’ai vu que cette banque avait permis à des gens d’emprunter n’importe comment. Dans les titres, il se cache un nombre non négligeable d’emprunts pourris qui ne seront jamais remboursés. J’ai vu des choses que l’agence de notation n’avait pas vu : j’aurais plutôt donné la note CCC que AAA. Je vais donc pouvoir parier sur la chute de ces titres : c’est là que le produit dérivé arrive.

Je cherche donc un acteur financier pour faire un deal avec moi : je donne un million par mois à cet acteur pendant 2 ans ; si dans 2 ans, les emprunteurs n’ont pas fait défaut, l’acteur garde les millions que je lui ai donné ; s’ils ont fait défaut, l’acteur me donne cent millions. Ce deal est légal, encadré par des régulations, à ranger dans la catégorie “produits dérivés” (je rajouterai “produits dérivés inutiles”). Il peut être fait par des banques, sans problème.

C’est ce qui s’est passé, entre autres, en 2008 pendant la crise des subprimes, et je vous invite à voir le film The Big Short sur le sujet, saisissant.

Cette finance des produits dérivés est très prisée par les acteurs financiers, parce qu’elle a un fort effet de levier : on risque gros, donc on peut gagner gros. Mais on peut aussi y perdre gros. L’ensemble de ces produits dérivés représente une somme absolument gigantesque : autour de 600 mille milliards de dollars. 600 000 000 000 000 dollars. Cette somme, si je ne m’abuse, représente le total des sommes en jeu, pas le total des sommes mobilisées - estimé par certains économistes à 10% de ce montant tout de même. Parmi eux, certainement une part non négligeable d’argent consacré aux paris, qui pourrait facilement être redirigée vers l’économie réelle.

La Finance des Multinationales

S’il y a bien des acteurs financiers qui profitent à fond de la mondialisation et de la financiarisation du monde, ce sont les multinationales, justement parce qu’elles sont dans plusieurs pays. Cela leur permet de mettre au point des montages financiers complexes afin de faire un maximum de bénéfices. C’est là qu’apparaissent les concepts de paradis fiscaux : étant donné qu’une entreprise peut in fine choisir son siège n’importe où dans le monde, il existe une concurrence fiscale internationale pour attirer les gros sous. Ainsi, le Luxembourg par exemple, au milieu de l’Union Européenne dans laquelle il y a une liberté totale de mouvement de capitaux, a fait de ce type de finance son industrie principale… au détriment de ses voisins/amis (?) européens.

Il existe tout un tas de montages financiers pour permettre à une entreprise de s’évader fiscalement d’un pays vers un autre. Par exemple, une filiale au Luxembourg peut faire un prêt à la filiale française, prêt à un taux d’intérêt très important. Les versements d’intérêts étant plus ou moins défiscalisés, c’est un moyen de transvaser de l’argent d’un pays à un autre sans payer de taxes. Un autre moyen est, pour toutes les filiales d’une multinationale, de jouer avec les ”prix de transferts” : ce sont les prix auxquels les sociétés d’un même groupe facturent les biens cédés ou les services prestés entre elles. En fonction des règles fiscales des pays impliqués, une optimisation des prix peut s’effectuer pour perdre le moins de bénéfice. Or, ces prix sont définis pour un échange intra-entreprise, sans acteurs extérieur, donc une multinationale pourrait très bien mettre des prix de transfert complètement différents de la réalité juste pour optimiser ses gains. Pour contrer cela, la règle du jeu est simple : théoriquement, l’entreprise doit suivre le “principe de pleine concurrence”, elle doit faire comme si ses deux filiales concernées par le prix de transfert étaient deux entreprises indépendantes. Mais en pratique il existe encore beaucoup de contournements à cette règle, faute de pouvoir tout contrôler.

Par ailleurs, un autre détail est amusant dans le domaine de la comptabilité des entreprises. Cette compatabilité est régie par des normes, écrites par une organisation à but non lucratif, l’IFRS, administrée par les grandes entreprises d’audit de ce monde. Devinez où est enregistrée cette organisation ? Au Delaware, paradis fiscal notoire.

Conclusion

Le monde de la finance est vaste et complexe, et il est difficile de le résumer en quelques lignes, ou de le séparer en catégories nettes, précises et exhaustives. Cependant, voici l’exercice que je vous propose, satisfaisant pour un humble citoyen comme vous et moi qui a besoin d’en connaître les contours. Il existe donc à mes yeux quatre types de finance :

  • l’investissement
  • l’assurance
  • le pari
  • l’optimisation fiscale de multinationales

Certains sont indispensables, comme les investissements, d’autre moins, voire pas du tout, comme les paris.
L’assurance et l’optimisation fiscale sont des domaines potentiellement néfastes, mais néanmoins inévitables - il n’y a pas de mal à avoir des assurances diverses, ou des entreprises dans divers pays. Des pratiques mal-intentionnées peuvent confisquer à la collectivité un montant non négligeable de fonds. Lorsque des fonds manquent à une collectivité, ce sont les impôts des contribuables qui compensent en partie les pertes, ou bien ce sont des dettes qui s’accroissent pour ces collectivités, dettes remboursées aussi par nos impôts. Il faudrait donc réguler strictement et sévèrement pour éviter tout abus, et pour que nous payions notre juste part d’impôt, ni plus ni moins.
Enfin, les paris sont, eux, inutiles, néfastes, et mobilisent des sommes d’argent considérables qui pourraient plutôt servir à faire fonctionner l’économie réelle.
On pourrait les interdire, comme c’était le cas jusqu’en 1885 dans le code pénal français - c’est un combat que mène Paul Jorion depuis longtemps. De même, les pratiques développées par la Finance à Haute Fréquence pourraient être interdites, en imposant par exemple une durée minimale entre l’achat et la revente d’un titre financier.

Quoiqu’il en soit, ce qui est certain, c’est que tous ces aspects de la Finance, parce qu’ils concernent des sommes extraordinaires, doivent faire partie du débat public.
À quoi bon débattre sur le montant de vos impôts qui augmentent chaque année, si on ne parle pas des taxes qui s’échappent de plus en plus chaque année aussi ?
À quoi bon verser des subventions publiques à tout va pour compenser le manque de prêts accordés par les banques, si ces dernières font de toutes façons plus d’argent dans le marché tordu des produits dérivés ?
Cette envolée folle de la finance est relativement récente, commencée il y a à peine plus de 40 ans. Elle est toujours discrète, de moins en moins heureusement, mais toujours trop discrète par rapport à la place qu’elle prend dans notre économie. Il est temps pour la masse que nous sommes de nous en rendre compte, et d’agir démocratiquement par le vote et par des programmes politiques à la hauteur, afin de reconnecter la finance à la réalité de l’économie, et la rediriger pour financer notre intérêt à tous. Pour baisser nos impôts tout en dotant dignement et équitablement nos services publics.

Voilà, je vous ai dit tout ce que je connais sur le sujet. J’espère avoir été assez clair, et ne pas m’être trop trompé sur les concepts (si c’est le cas, je fais appel à votre indulgence et vos éclaircissements !).

Références

J’ai appris tout ça grâce à de nombreuses références, dont voici de mémoire une liste raccourcie si ça vous intéresse :