Javolution

Lettre ouverte au Président de la République

June 8, 2020 • ☕️ 5 minutes de lecture

Une lettre de Gilles Le Gendre au Président de la République, dans laquelle il donne ses recommandations pour un futur nouveau gouvernement à constituer (avec un poste de ministre pour lui, bien sûr) a fuité dans la presse. Ce genre de fuite est généralement délibérée, volontaire, c’est un moyen supplémentaire de sonder l’opinion publique. On demande donc mon avis ? Le voici !




Monsieur le Président,

Beaucoup d’idées fusent dans les journaux sur ce que vous pourriez faire après cette crise : remaniement ministériel, dissolution de l’Assemblée Nationale, gouvernement « d’unité nationale »… C’est pourquoi par la présente, je souhaite d’une part vous affirmer mon réel soutien dans votre démarche de modifier quelque chose, d’autre part vous soumettre mon point de vue de compatriote et d’humble électeur sur la solution que vous devriez choisir.

Oubliez le simple changement de Premier Ministre ou la constitution d’une gouvernement d’unité nationale qui oublierait la moitié de la nation. Oubliez aussi le jeu de chaises musicales que vous conseille Gilles Le Gendre. Ce genre de solution n’apporte pas ce dont vous avez besoin : un soutien des Français dans un programme de rebond d’après-crise, de reconstruction de ce monde qui, comme vous l’avez si bien dit, ne sera pas comme avant.

Ce soutien ne peut s’obtenir que d’une seule manière : en leur demandant leur avis, leur voix d’électeur. C’est pourquoi je vous recommande, je vous implore même, d’organiser un scrutin national : soit des élections législatives après dissolution de l’Assemblée Nationale, soit une élection présidentielle en remettant en jeu de manière anticipée votre mandat de Président de notre République.

Cette lettre est publique, et j’encourage ceux qui la lisent de vous l’envoyer, en nombre, afin qu’elle ait le poids qu’elle mérite dans la décision que vous prendrez.


Manque d’autorité politique

La première raison qui doit vous pousser à organiser un scrutin national est que votre autorité politique n’est pas au beau fixe. Gilets-jaunes, grèves contre la réforme des retraites, grève de l’hôpital public, gestion de pré-crise de coronavirus avec quelques imperfections de communication sur les masques, etc. Tous ces évènements portent en eux, si ce n’est une haine parfois, au moins une défiance constante, contre votre personne et/ou contre les idées que vous représentez. Il semble que vous n’avez pas la majorité du soutien populaire, fragilisant ainsi votre autorité politique - c’est-à-dire votre capacité à imposer vos décisions, à nous qui devons les accepter.

Elle l’est depuis le début de votre mandat d’ailleurs.

En effet, notre constitution donne presque tous les pouvoirs exécutifs et législatifs réunis au camp du Président de la République, en ne laissant que très peu de place à l’opposition. Pour que la démocratie fonctionne dans ce cadre-là, il est nécessaire que le Président soit plébiscité, ou à défaut qu’il applique une politique qui rassemble au delà de son seul camp. C’est ce qu’avait en tête le Général De Gaulle quand il l’a mise-en-place, c’est de cette manière qu’il a conduit ses mandats, et c’est ce qui l’a amené à démissionner lorsque le soutien manquait.

En ce qui vous concerne, de plébiscite vous avez été épargné, avec 18% des inscrits au premier tour de l’élection présidentielle, et 44% au second, pourtant contre une candidate qui sait très bien rassembler contre elle. Votre majorité absolue à l’Assemblée Nationale obtenue aux élections législatives qui ont suivi, nous ferait presque oublier qu’elle représente 13% des inscrits, seulement. Malgré tout, notre constitution vous en donnant le pouvoir, vous avez gouverné avec vos idées, comme si vous aviez une majorité écrasante de soutien, en mettant de côté l’opinion des 82% d’électeurs restant qui n’ont pas voté pour vous au premier tour. Vous n’aviez pas le soutien populaire, et donc l’autorité politique pour cela, et cette situation ne s’est pas améliorée depuis le début de votre mandat, loin s’en faut.

De sorte que si vous continuiez votre mandat sans organiser de consultation nationale, dans ce nouveau contexte de nouvelle vie d’après-crise, je vous promets, tout en la regrettant, une poursuite voire une montée inexorable des contestations.

En gardant en tête ce manque d’autorité, venons-en à la seconde raison. Vous l’avez dit vous-même : « Sachons nous réinventer, moi le premier ». Vous avez eu les mots justes, mais qu’impliquent-t-ils concrètement ? Que voulez-vous dire par là ?

Se réinventer, c’est consulter

J’imagine que vous allez avoir des idées différentes de celles que vous aviez avant. Il y a un avant et un après Covid-19 chez vous, comme chez nous, et comme chez beaucoup de responsables politiques.

Ainsi, la politique que nous souhaitions avant la crise peut être différente de celle que nous voulons après.

En ce qui vous concerne, la politique que vous appliquerez après cette crise pourrait être bien différente de celle que vous avez suivie jusqu’à présent. C’est tout du moins ce que je comprends dans votre discours, et c’est une réflexion sûrement très sage.

C’est pour cela que, pour aller au bout de cette sagesse, et même si rien ne vous y oblige, puisque nos institutions vous donnent le droit d’appliquer un tout autre programme que celui avec lequel vous avez été élu, c’est pour cela disais-je qu’il serait naturel et tout à votre honneur de solliciter l’approbation de votre nouveau programme politique par vos compatriotes. Par des élections législatives ou présidentielle.

Je dirais même plus, ce serait porter bien peu de considération aux concepts d’élection, de programme électoral et de Politique, que de continuer votre mandat sans nous consulter. Ce serait manquer d’honneur, de fierté et de courage que de passer outre notre consentement.

C’est d’ailleurs précisément pour cette raison que je vous recommande vivement, parmi les choix qui s’offrent à vous desquels j’ai omis le référendum, d’opter pour l’élection présidentielle. En effet, si vous perdiez les élections législatives ou un référendum, vous perdriez encore plus d’autorité, la suite logique étant soit d’avoir une cohabitation, concept si aberrant qu’il est toujours peu souhaitable, soit que vous démissionniez, de sorte qu’une élection présidentielle serait finalement organisée. Alors que si vous organisiez une élection présidentielle, cela vous donnerait vraiment l’opportunité de vous réinventer avec un beau programme, puis pourquoi pas de gagner, de préférence haut-la-main. Vous y gagneriez sur tous les tableaux : programme politique validé, confiance, et autorité légitime pour le mettre en place.

Ainsi, pour conclure, choisir directement l’élection présidentielle, c’est nous faire gagner du temps à tous. À vous, à nous. C’est aussi un moyen, le seul efficace je pense, d’apaiser les tensions, vivaces dans notre pays.

Vive la République, et vive la France !

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55 Rue du Faubourg Saint-Honoré
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