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Le CDI, non, vive le contrat en indépendant !

February 13, 2021 • ☕️ 7 minutes de lecture

Je suis développeur indépendant depuis plus de 3 ans désormais, j’ai beaucoup travaillé seul en freelance, et aujourd’hui je travaille de plus en plus en équipe, ce que j’affectionne particulièrement. La solitude est agréable pour l’indépendance qu’elle procure, mais les interactions sociales du travail en équipe m’apportent aussi énormément. Et je n’ai aucune envie de sacrifier l’un pour l’autre ! ce qui me laisse perplexe quand j’envisage un CDI avec une entreprise.

Le CDI a des avantages, certes : l’entreprise s’assure une fidélité de l’employé, et ce dernier a une stabilité de travail qui rassure. Avec le droit du travail qui entoure ce status, le salarié a aussi une sécurité vis-à-vis de son employeur qui ne peut pas se séparer de lui comme il veut, et qui doit lui fournir certains avantages - assurance, prime de licenciement le cas échéant, etc.

Mais le CDI a des inconvénients importants, en tout cas de mon point de vue.

Inconvénients du CDI

Les congés payés

En donnant du temps de congés payés, on “interdit” au salarié de prendre plus de congés. Il existe toujours les congés sans solde, mais le salarié va souvent réfléchir à deux fois avant d’en prendre, parce qu’il se dit peut-être, par exemple, que ça n’est pas très honnête vis-à-vis de l’entreprise, ou que cette dernière va le trouver bien flemmard, que sais-je. Toujours est-il que ce concept de congés payés implique que c’est l’entreprise qui maitrise le temps, et donc la liberté, de l’employé.

Bien sûr ces congés payés, comme les week-ends ou la réduction du temps de travail, ont été créés avec une bonne intention : celle de contraindre l’employeur a donner du temps libre à ses employés, de ne pas les tuer à la tâche en les faisant travailler 7 jours 7, 60 heures par semaine, 365 jours par an. Mais ils donnent l’impression que le maître du temps, le maître de l’humain, c’est la compagnie, alors que non ! on devrait voir l’entreprise comme une institution capable de réunir des individus pour construire un projet ensemble, pas comme une relation de dominant/dominé.

La sécurité contre le licenciement

Celle-là a deux travers, le premier de ne pas inciter les entreprises à embaucher facilement, le second que l’employé se sente invirable, et donc potentiellement se permette moins d’implication dans son travail si l’envie l’en prend.

Cette sécurité est probablement nécessaire dans les très grosses entreprises, où l’humain n’est pas au centre de tout puisque les hauts dirigeants ne connaissent pas, et ne peuvent pas connaitre, l’ensemble des salariés. Cela les contraint à réfléchir à deux fois avant de congédier tout un paquet de personnes, c’est peut-être une bénédiction.

Mais pour des petites structures, ce n’est pas forcément indispensable. Les dirigeants connaissent tous leurs salariés, et réciproquement, parce que la confiance mutuelle est indispensable pour faire fonctionner une petite structure. Ce qui naturellement amène les dirigeants à réfléchir plus profondément avant de se séparer d’un salarié : c’est plus difficile de virer quelqu’un que l’on connait que l’inverse.

Or, c’est surtout pour ces mêmes petites structures que le CDI est un frein à l’embauche, justement à cause de cette sécurité aujourd’hui trop prononcée. Dommage.

Le coût du travail

La fiche de paie étant ce qu’elle est, à savoir un tableau de nombres indigeste, le salarié ne s’intéresse souvent qu’à son salaire net, ce qui arrive dans sa poche chaque mois. C’est de bonne guerre. Or, nul n’ignore que l’employeur verse presqu’autant de cotisations sociales que de salaire, et c’est dommage que cette participation à la société ne soit pas plus mise en valeur.

Dans l’inconscient collectif, c’est l’entreprise la bonne mère qui finance les services publics par les cotisations sociales versées pour chaque salarié : et si on pensait différemment ? Et si, au lieu de penser être payé par exemple 2000 euros, le salarié considérait être payé 4000 euros, desquels il retire ses cotisations à hauteur de 2000 euros ? C’est exactement le sentiment qu’on a en tant qu’indépendant, je ne suis pas certain que ça soit la même chose chez un salarié.

La solution ? Tous indépendants !

Attention : pas d’uberisation du monde pour autant ! Pour les raisons évoquées ci-dessus, lorsqu’un mastodonte, comme Uber par exemple, qui ne connait aucun de ses chauffeurs ou livreurs, utilise ce procédé, c’est pour une mauvaise raison : celle de pouvoir en faire ce qu’elle veut, les pressuriser grâce à des algorithmes ténébreux, les sanctionner sans devoir rendre de compte à personne… bienvenue au XIXème siècle ! Non, en agissant de la sorte, Uber et consorts n’ont fait que ternir le concept d’indépendant au service d’une entreprise, et c’est bien malheureux. Probablement ont-ils atteint une taille critique qui devrait les contraindre à salarier, précisément parce qu’il leur est impossible d’avoir une relation humaine avec chacun des membres de l’entreprise.

Mais pour une entreprise plus modeste, faire des contrats avec des indépendants peut s’avérer très bénéfique, autant pour l’entreprise que pour le travailleur. Explication.

Congés payés

Ne pas avoir de congés payés a l’avantage de permettre au travailleur d’être maître de son temps, d’être libre. On ne compte plus les congés payés, on peut travailler plus pour gagner plus, on peut travailler moins et gagner moins aussi, et personne ne délègue la gestion de son temps à personne. Libre !

Bien sûr, encore faut-il avoir une relation de confiance avec l’entreprise, qui pourra se passer des services du travailleur en cas de trop plein de vacances, mais qui devra tout de même s’assurer qu’au moins 5 semaines de congés non payés soient pris. Bien sûr aussi, il faut donc rémunérer le travailleur à la journée, avec un taux ajusté : au lieu de 200 euros avec congés payés, ça serait 220 euros sans congé payé par exemple.

C’est en tout cas une relation de confiance qui doit s’installer entre les deux entités, et non une relation de dominant/dominé, maître/esclave, droits contre devoirs.

Coût du travail

Être indépendant, c’est devoir s’acquitter de son côté de toutes les cotisations sociales : retraite, santé, chômage, etc. C’est donc se rendre compte de ce que travailler apporte à la société en plus d’apporter à son portefeuille : quelle aubaine pour éveiller et aiguiser les esprits lorsqu’il s’agit ensuite de mettre un bulletin de vote dans l’urne ! C’est effectivement, je pense, un excellent moyen d’approfondir l’éveil citoyen.

En contrepartie, on pourrait faire en sorte que l’entreprise se doive de proposer ses services de comptabilité au travailleur : tout indépendant et tout dirigeant connait la difficulté, que dis-je, l’enfer, que de devoir s’acquitter de ces tâches…

La sécurité contre le licenciement

Là, tout est à faire. On pourrait imaginer un contrat qui oblige en cas de séparation un préavis de 3 mois pour l’entreprise, 1 mois pour le travailleur, et rien d’autre : pas de “prime de licenciement”, rien de tout ça. Ça serait, pour le salarié qui passe indépendant, peut-être vu a priori comme une sorte de régression, mais il faut voir ce que cela apporte à tous !

Pour le travailleur, un surplus de sentiment de liberté : avec le CDI on a l’impression d’appartenir à une société, appartenir dans le bon comme dans le mauvais sens, faire partie d’une famille tout en y étant menotté. Combien de personnes ai-j’entendu parler de quitter leur travail pour faire autre chose, mais ne jamais franchir le pas ? Alors qu’en tant que travailleur indépendant, on a une belle histoire à écrire : construire une relation de confiance avec l’entreprise et ses membres, tout en gardant l’esprit libre de pouvoir aller écrire une autre page de sa vie ailleurs si le coeur nous en dit. C’est le sentiment que la vie d’un travailleur lui appartient, à lui et lui seul. C’est une condition psychologique bien différente que celle du salarié. Libre !

Pour l’entreprise, une facilité à l’embauche qui, je pense, ne peut que être source de plus d’opportunités pour tous. Ceux qui le nient n’ont probablement jamais été dans la peau d’un dirigeant d’entreprise, et les dirigeants qui me lisent, je pense, ne me contrediront pas là-dessus.

Mais il est vrai que ça demande une vraie relation, une nouvelle relation un peu inconnue, basée sur une réelle confiance entre le travailleur et l’entreprise : on doit travailler main dans la main pour éviter que le travailleur n’aille voir ailleurs, et pour éviter que l’entreprise n’abuse de son pouvoir de jeter un travailleur comme un mouchoir usé.

Conclusion

Ce modèle, j’insiste et je répète, ne peut probablement pas s’appliquer aux très grosses entreprises, en tout cas pas avec le contexte actuel autour de l’ubérisation : le haut capitalisme n’est pas prêt pour ça, les mentalités non plus.

Mais pour les entreprises plus modestes, si tant est que tout le monde joue le jeu, ça peut être un souffle énorme, une vraie révolution ! Mois de protection pour plus de responsabilité et de liberté, c’est bon pour tout le monde, bon pour les travailleurs, les dirigeants, les citoyens que nous sommes tous, et donc nos démocraties, notre république.

Chiche !